dimanche 11 décembre 2016

Que faire des classes, de la moyenne, des fleurs, des coeurs, des papillons, des tomates, de la réalité.. et de l'idiotie ?


Dimanche dernier, avec un fantôme de noix, ou plutôt une feuille volante de noyer, je vous ai abreuvé de télé-réalité.
Aujourd'hui, je poursuis mon exploration de la réalité et vous fais découvrir un coeur et un papillon qui n'en sont pas, de même que des tomates qui ne sont pas des PacMan. Et j'en profiterai pour vous parler des classes moyennes et de l'idiotie.

Voilà donc, en images, en texte et en musique, coeur, papillon, tomate et idiots:

Coeur - Photo: lfdd

Papillon - Photo: lfdd

Tomates - Photo: lfdd

Bon, les tomates ne sont pas mûres, mais on ne va pas les jeter sur tout le monde, ni sur les "classes moyennes". 
Que pourrait-on en faire?

Essai de réponse dans un article d'Eric Loret sur Nathalie Quintane dans le Monde des Livres du 2 décembre:
"... l'écrivaine qui a toujours pratiqué cette forme d'art que l'on appelle "l'idiotie", au sens où le philosophe Clément Rosset a défini le terme:  l'idiotie opère "la saisie comme singularité stupéfiante comme émergence insolite dans un champ de l'existence" d'"une chose toute simple" (Le Réel. Traité de l'idiotie, Minuit, 1977). Si l'on ne comprend pas ce que ça veut dire, on n'a qu'à penser à l'ivrogne qui s'extasie devant une fleur comme s'il s'agissait d'une soucoupe volante: "Regardez là, il y a une fleur, c'est une fleur, mais puisque je vous dit que c'est une fleur...". Ce que voit l'ivrogne, explique Rosset, c'est que "son regard restera, comme toute chose au monde, étranger à ce qu'il voit, sans contact avec lui." Chez Quintane, cela donne par exemple: "Je suis peu nombreuse, mais, je suis décidée" (sa biographie sur le site POL) ou, dès son premier livre, en 1997, Remarques (Cheyne); "Si on abat une cloison entre un salon et une chambre, que reste-t-il: le salon ou la chambre?"
... Pour Quintane, c'est en 2010 que la résistance s'organise cependant: "Sous la pression de la situation de l'époque, que je raconte dans Tomates (POL), qui était délicate, compliquée, dure, j'ai senti cette nécessité d'articuler les choses très clairement. J'ai décidé volontairement de "thématiser" comme on dit, d'écrire "Sarkozy", d'écrire ce nom.
...
Mais pas question de délaisser "le point d'idiotie, qui était le point de départ" et de laisser tombre le militantisme: "Il me semblait évident que le retour critique aurait d'autant plus de force si l'on prenait en compte d'où l'on venait, c'est-à-dire l'empêtrement, le déni;" Avec Que faire des classes moyennes?" cette conjonction du "point d'idiotie" et du politique est porté à son apogée...
"Il ne faut plus penser à punir le réel, parce que maintenat le c'est lui qui va nous mettre des fessées tout le temps. Il faut que ça cuise, et qu'on le sente. Ce texte est fait pour ça."

Et pour conclure, citons directement, sans repasser par la case Loret, Nathalie Quintane dans le texte, quand elle s'interroge sur le titre dans son livre :
"Pensant à la question qui donne un titre à ce texte, je me suis apperçue que j'étais en train de répondre à Que deviennent les classes moyennes? Et j'étais précisément en train de répondre à cette question en m'observant moi-même (...) 
Et c'est très exactement là, parvenue à ce point ... que je me suis dit qu'il fallait de toute urgence une réponse à la question: Que faire des classes moyennes, car les classes moyennes étaient en train de mettre en place le système de compensation qui permettrait que tout change pour que rien ne change, selon la célèbre formule."*


Et pour terminer en chansons, je vous ai dégoté une chanson de Jacques Brel: L'Age idiot:





L’âge idiot, c’est à vingt fleurs
Quand le ventre brûle de faim
Qu’on croit se laver le coeur 
Rien qu’en se lavant les mains

Qu’on a les yeux plus grands qu’le ventre
Qu’on a les yeux plus grands qu’le coeur 
Qu’on a le coeur encore trop tendre
Qu’on a les yeux encore pleins d’fleurs
Mais qu’on sent bon les champs de luzerne

L’odeur des tambours mal battus
Qu’on sent les clairons refroidis
Et les lits de petite vertu
Et qu’on s’endort toutes les nuits
Dans les casernes

L’âge idiot, c’est à trente fleurs
Quand le ventre prend naissance
Quand le ventre prend puissance
Qu’il vous grignote le coeur 
Quand les yeux se font plus lourds

Quand les yeux marquent les heures
Eux qui savent qu’à trente fleurs
Commence le compte à rebours
Qu’on r’jette les vieux dans leur caverne
Qu’on offre à Dieu des bonnets d’âne

Mais que le soir on s’allume des feux
En frottant deux coeur de femmes
Et qu’on regrette déjà un peu
Le temps des casernes

L’âge idiot c’est soixante fleurs
Quand le ventre se ballotte
Quand le ventre ventripote
Qu’il vous a bouffé le coeur 
Quand les yeux n’ont plus de larmes

Quand les yeux tombent en neige
Quand les yeux perdent leurs pièges
Quand les yeux rendent les armes
Qu’on se ressent de ses amours

Mais qu’on se sent des patiences
Pour des vieilles sur le retour
Ou des trop jeunes en partance
Et qu’on se croit protégé
Par les casernes

L’âge d’or c’est quand on meurt
Qu’on se couche sous son ventre
Qu’on se cache sous son ventre
Les mains protégeant le coeur

Qu’on a les yeux enfin ouverts
Mais qu’on ne se regarde plus
Qu’on regarde la lumière
Et ses nuages pendus
L’âge d’or c’est après l’enfer

C’est après l’âge d’argent
On redevient petit enfant
Dedans le ventre de la terre
L’âge d’or c’est quand on dort
Dans sa dernière caserne.


En prime et pour rigoler, je vous offre un petit bijou d'idiotie découvert sur internet. Sûr que vous reconnaitrez le chanteur, plus aussi jeune que dans le clip de 1985 de la Chanson de PacMan:




Vous l'avez reconnu, William ?

Bon Dimanche 

Le Fleur du Dimanche


* Pour ne pas mourir idiot, cette expression vient du roman "Le Guépard (Il Gattopardo) de l'écrivain et aristocrate italien Giuseppe Tomasi di Lampedusa, paru en 1958 et inspirée par Tancredi Falconeri, qui dit: "Pour que tout reste comme avant, il faut que tout change.".


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire