dimanche 22 janvier 2017

Hou, hou, méfions-nous du faux-houx: mahonia, algorithme, big data et Big Mama

Dimanche dernier, je vous ai fait prendre du mahonia pour un houx, heureusement que je ne vous ai pas fait prendre un loup pour un mouton....
Cette semaine, pour tenir compagnie à un vrai mahonia en fleur, jusqu'à preuve du contraire, ce sera une viorne:


Viorne bassin non gelé - Photo: lfdd


Et cette erreur d'identification rejoint la réflexion de notre TVA du jour axé autour de trois points: la vérité, la liberté et les algorithmes*...
Ces trois points sont une conséquence des évolutions technologiques actuelles, entre autres du Big Data et des algorithmes qui analysent et organisent cette masse de données qui en découlent.
Avec pour conséquence par exemple de subir un traitement favorable ou défavorable à différents niveaux (emploi, sécurité, banque, justice,...) selon votre passé inscrit dans les données stockées dans des bases dont vous n'êtes pas forcément au courant.
Deux autres aspects qui je vais creuser et illustrer sont d'une part la question de la "bonne information" la véridique, la vérifiée (nous en avions déjà eu des aperçus précédemment), et la mise en oeuvre et l'analyse de ces milliers de données personnelles que vous offrez pour le moment, sans vraiment savoir quand et comment aux industries - parce que ce sont les nouvelles industries du service et du commerce dans votre vie quotidienne, via internet et toutes les applications que vous utilisez.

Servir - servitude

Une petite question, pour les utilisateurs de facebook au sujet d'une nouvelle chaine qui vient d'apparaître et où l'on vous demande de choisir un mot (un seul) qui commence par l'initiale de votre prénom et qui vous caractérise.... Et bien sûr de demander cela à tous vos amis.... 
Est-ce un dialogue avec vous amis ou à quoi cela peut-il bien servir.

C'est bizarre d'ailleurs ce terme servir, parce que cela fait écho au titre du livre de Phillipe Vion-Dury, journaliste et spécialiste des questions de société, des nouveaux modèles économiques et des technologies. Il vient de sortir aux éditions Fyp son premier essai intitulé "La nouvelle servitude volontaire". Il y analyse la nouvelle société numérique qui est en train d’être érigée par les startups de la Silicon Valley, en Californie. Il est passé ce jeudi 19 janvier à Strasbourg pour parler avec Yann Bonnet, secrétaire général du Conseil national du numérique (CNNum), du rôle des algorithmes dans notre société connectée, lors d'une rencontre co-organisée par Le Shadok et Rue89 Strasbourg.

Un entretien est sur leur site et je vous en propose quelques extraits:
Philippe Vion-DuryPour moi, il est donc clair que les algorithmes sont des processus hérités d’un système, ils participent à une domination, on cherche à nous exploiter, à nous influencer. D’où le mot « servitude » dans le titre. Et « volontaire » parce que nous donnons notre consentement, sans qu’on n’ait forcément le choix. On nous dit qu’on peut refuser mais ce n’est pas totalement vrai, si on refuse d’utiliser certains services, on se coupe d’une partie du monde.
Rue89 Strasbourg: mais au fond, quel est le problème avec les algorithmes ?
Philippe Vion-Dury: Le problème, c’est justement leur apparente innocuité. Qui peut être contre un programme qui va vous proposer chaque semaine une liste de 20 morceaux de musique qui devraient vous plaire, comme la playlist Discover de Spotify par exemple ? Sauf qu’il faut se poser ces questions : quels sont les autres buts de cet algorithme ? Est-ce que les morceaux qui composent cette liste ont tous des chances égales d’y figurer ou bien des accords passés entre Spotify et des labels peuvent la modifier ? 
Qui garantit la neutralité des algorithmes ?
Et si la musique proposée vous plait vraiment, qu’est-ce que ça produit comme conséquences ? D’une part, vous utilisez plus la plate-forme de musique et d’autre part, la plate-forme en tire des conclusions sur votre profil, vos goûts, vos habitudes, qui complètent son modèle économique.
L’autre problème est que les algorithmes agissent cachés. Bien souvent, les gens ignorent qu’une bonne partie de l’information qu’ils reçoivent, par Facebook par exemple, est due à un algorithme et que certains contenus sont volontairement retenus. Ces processus ne sont jamais expliqués, leurs règles de calculs ne sont jamais dévoilées. Il a fallu toute la mobilisation des syndicats de lycéens pour que le Gouvernement rende public le code de l’algorithme APB, qui décidait des inscriptions à l’université. Et il s’agissait d’un programme public français pour des données publiques ! Imaginez s’il fallait exiger la même chose de Facebook ou Google…

Un autre article sur rue 89 complète cet extrait.

Rue89: « Algorithme », on utilise souvent ce mot sans comprendre à quoi cela correspond. Pouvez-vous nous citer des services du quotidien qui utilisent des algorithmes ?
Chaque semaine, Spotify sort sa playlist "Découvertes de la semaine" composée par un algorithme qui a calculé nos goûts musicaux en fonction de nos écoutes précédentes.
Sur Netflix, 75% des vidéos regardées par les utilisateurs le sont suite à la proposition de leur algorithme de recommandation.
Dans le "monde social", il y a bien évidemment Facebook. Chaque jour, notre fil d’actualités devrait afficher plusieurs dizaines de milliers de contenus provenant de nos amis. Pour nous "éviter" de passer des heures à tout regarder, leurs équipes ont élaboré un algorithme capable de calculer nos goûts, de repérer les amis qui compte à nos yeux... Le résultat de ce tri s’affiche sur notre fil d’actualités.
Il est inquiétant de se rendre compte, qu’aux Etats-Unis, deux tiers des Américains n’ont pas conscience que Facebook trie ce qu’il voit.
En novembre 2015, Facebook a lancé des nouveaux émoticônes : « en colère », « surpris », « cœur » etc. Les internautes l’ont vu comme un moyen de diversifier leurs réactions. Pour le géant américain, l’habituel « like », le pouce bleu en l’air, n’était pas assez subtil pour comprendre l’intention des gens. Avec ces nouveaux « smileys », Facebook peut affiner la compréhension de vos goûts et vos intérêts en analysant les données générées quand vous réagissez sous un post.
Il ne faut jamais oublier qu’il s’agit d’une entreprise commerciale dont le but est de nous garder le plus possible sur sa plateforme afin de nous proposer de la publicité ciblée. Ils doivent donc nous connaître, le mieux possible. Pareil pour Youtube, Spotify etc.
C’est pour cette raison qu’ils nous enferment, en quelque sorte, dans ce qu’on aime déjà ?
Oui, une personne aux goûts prévisibles est plus rentable qu’une personne aux goûts imprévisibles. Les recommandations des algorithmes qu’ils utilisent vont vous maintenir dans un « endroit clos ».
Cela a déjà été théorisé : ça s’appelle la « bulle filtrante ». Autour de vous, un cocon se constitue, filtrant tout ce qui n’est pas censé vous correspondre. Vous ne serez plus amené à découvrir de nouvelles musiques, de nouveaux courants culturels, de personnes loin de votre milieu social etc.
Est-ce un horizon souhaitable pour le développement d’un individu que d’être maintenu dans une bulle de confort, où tout ce qu’il voit et tout ce qu’il sait viennent confirmer ses opinions et ses goûts ?
Les algorithmes tuent la sérendipité ?
La sérendipité vient d’un conte persan : "Les Trois Princes de Serendip". Ils sont envoyés par leur père en voyage. Au cours de leurs aventures, ils se rendent compte que la vraie richesse, le vrai enseignement, proviennent du hasard des rencontres et des évènements imprévisibles.

Hasard des rencontres, des bourgeons de Nouvel An dans le ciel bleu, que sont-ils devenus?


Bourgeons  ciel bleu - Photo: lfdd

Et pour amener un autre éclairage, un  professeur titulaire au Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Pierre Trudel, dans une chronique dans le journal québéquois Le Devoir, "La concurrence des vérités" nous parle de la vérité, et de débat démocratique - biaisé par les usages -et le fonctionnement -  d'internet:

"Notre monde connecté correspond à cette époque que l’on nomme "post-factuelle". ... nous sommes désormais dans une ère où les "faits", les informations vérifiées n’ont pas plus de poids que les croyances. Cette "concurrence des vérités" mine radicalement la capacité de nos sociétés à délibérer, à discuter sur des bases qui seraient mutuellement tenues pour légitimes.
Les normes en vertu desquelles se détermine la vérité se trouvent plus que jamais en concurrence. Le phénomène semble inhérent à Internet, qui domine l’espace public dans notre monde hyperconnecté.
D’abord, il faut rappeler qu’une affirmation est tenue pour véridique dans la mesure où elle résulte d’un processus de validation auquel on adhère, que l’on trouve légitime. Par exemple, les médias traditionnels se sentent généralement tenus de mener des vérifications rigoureuses avant de diffuser une information dans le public. Dans le domaine scientifique sera tenue pour vraie une affirmation validée selon les exigences de méthodes reconnues dans la discipline concernée. Une affirmation découlant d’une croyance religieuse sera considérée comme vraie par ceux qui adhèrent aux dogmes qui y sont associés.
C’est que la vérité est tributaire de la conformité aux exigences du système de validation dans lequel s’inscrit une affirmation. Ces exigences n’ont de sens que dans le système de connaissance dont se réclame une personne qui affirme quelque chose. En dehors de ce système, l’affirmation paraîtra fausse, mensongère, trompeuse voire frauduleuse.
L’univers en réseau permet la coexistence et la proximité de vérités provenant de toutes sortes de milieux adhérant à différents processus de validation. Plusieurs « vérités » y sont proposées et se diffusent au gré des prédilections des internautes révélées par les choix qu’ils font de seconde en seconde.
Dans un tel espace public en réseau ouvert, des normes de nature diverses se trouvent en concurrence. Chacun est en situation de devoir évaluer la valeur du système normatif en vertu duquel une affirmation est mise en avant. Les acteurs disposent d’une capacité sans précédent de capter l’attention des internautes en diffusant des informations de toute nature.
Face à ce flot d’informations de toute provenance, l’individu se retrouve pratiquement seul.
Lorsqu’il n’est pas adéquatement outillé afin de jauger les valeurs du système normatif duquel émane telle ou telle affirmation, il est vulnérable à toutes les manipulations.
Dans un tel environnement, les grandes plateformes comme Facebook ou Google constituent les portiers du réseau, les « gatekeepers ». Dans un tel univers de concurrence des vérités et des normativités, les modes de fonctionnement des plateformes, les régulations technologiques qui y prévalent constituent un chaînon crucial des processus désormais inhérents à la vie démocratique.
Les processus par lesquels ces portiers déterminent la circulation de l’information dans les environnements connectés sont un enjeu majeur.
Pour se donner les moyens de comprendre et d’agir à l’égard des mécanismes présidant à la dissémination des informations, il faut exiger plus de transparence et de responsabilisation de la part des plateformes qui désormais, pour le meilleur ou pour le pire, déterminent les conditions de la circulation de l’information."

A vous d'en tirer les conséquences et d'en apprendre le mode d'emploi.... Pour arriver à différencier un houx d'un mahonia (plus facile quand il fleurit:


Mahonia en fleur - et pas houx ! - Photo: lfdd

Pour vous récompenser d'être arrivé jusqu'au bout de ces élucubrations, je vous offre des chansons que l'algorithme ne vous aura pas forcément proposé...

Et poir résoudre les "Problèmes" un peu de joie et d'humour, avec Antoine et Gérard:




Comme dans tout match il y a un adversaire, voici Johnny qui se bat contre les idées courtes. A vous de les avoir longues, pour les cheveux, c'est à vous de voir!

 


Ayant éliminé Antoine, on va aussi cogner sur la Musique Contemporaine (sans Antoine, mais avec les Problèmes):



Mais n'oublions pas l'Alsace et l'humour d'Odile et de Ricet Barrier (quel est l'algorithme qui amène celui-là? - la choucroute? - perruque? - si vous avez une réponse, je suis preneur : lafleurdudimance(at)gmail.com): 

Ricet Barrier - Odile par chansonfrancaisetv


Et pour finir en Rome antique, une dernière couche d'Antoine, pour oublier tout cela (pour faire travailler la mémoire de la toile qui n'existait pas à l'époque):




Bon Dimanche

La Fleur du Dimanche


* Algorithme ne vient pas du grec (et donc ne prend pas de "i" grec) mais  du nom du mathématicien arabe Al-Khawarizmi - ils ont fort en calcul les arabes, en plus d'inventer le zéro ! - qui signifie "Suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat".
Bon l'algorithme ne va pas forcément résoudre tous vos problèmes - et d'ailleurs si vous lisez bien le billet du jour, il va plutôt vous en créer de nouveaux.

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